Extrait de «épilogue»

Une île comme terre natale : la Sicile

 


   Lorsque Laura parvenait à se soustraire à l’emprise de tels paroxysmes, elle déambulait sans répit dans les alentours du Centre comme si, à ne plus être la proie de ces forces occultes, elle en avait perdu le sens de l’équilibre. Tardives à la soulager de son égarement, les trêves elles-mêmes faisaient songer aux périls de son peuple, et outre ses liens d’origine, son destin s’apparentait mystérieusement à celui des siens.


   Quand elle n’était pas soumise à la menace de nouvelles convulsions volcaniques, la Sicile n’avait cessé d’être envahie, occupée, piétinée. Et l’histoire n’offrait guère plus que le spectacle d’une funeste allégorie où la malédiction avait fait de l’île une victime.


   L’altérité sicilienne avait pourtant été sauvegardée. Le reliquat des défenses édifiées pour traverser ces ravages pouvait en faire foi. Parmi les traits qui ne manquaient pas d’amuser les regards étrangers, il y avait cette aspiration légendaire au sommeil. Mais elle évoquait tant la volonté de se soustraire à la pesanteur des souffrances passées, que, à s’apercevoir du subterfuge, les sourires se crispaient, suspendus à l’un des derniers bastions avant l’embrasement purulent de la révolte dont nous entendions presque s’exhaler l’incandescence.


   C’est là, aux confins de la dépossession de soi-même, que Laura avait conservé un si étrange rapport avec son peuple, là où le timbre explosif de sa folie avait vibré aux accents de terreurs étouffées. C’est cette résonance opaque qui nous avait mené à sa rencontre.